"Peut-on mentir à un enfant?" "Doit-on tout dire à un enfant?"
Ce sont les questions principales soulevées par la psychologue qui animait la rencontre-débat à laquelle j'ai assisté cette semaine, sur le thème: "Comment dire? La maladie, la mort, la séparation, les interdits." J'ai appris beaucoup de choses sur la façon de communiquer avec son enfant, quel que soit son âge et sur le fait que bien des conflits parent-enfants pourraient être réglés ou évités si l'on réagissait différemment et si l'on utilisait d'autres mots. La psy a illustré son propos de plein de situations concrètes dans lesquelles il était facile de se reconnaître. En voici quelques unes..(Attention, c'est long ! Et pas toujours rigolo.) (T'es encore là? Bon, ben je continue alors...)
Communiquer dans les situations conflictuelles
Nous avons chacun un vécu, un passif, une zone douloureuse qui font que certaines fois, nous réagissons au quart de tour à certaines paroles. La clé pour réussir à sortir de l'ornière dans les situations tendues, c'est de s'affranchir de ce vécu émotionnel et de ne pas se laisser entraîner sur le terrain des sentiments et de la culpabilité où nos enfants savent parfois très bien nous emmener. Je m'explique, avec quelques exemples tirés de cette discussion.
Quand notre enfant nous lance "T'es pas gentille, je ne t'aime plus"
Ce qu'on dit parfois:
"C'est toi qui est méchant de dire ça, tu sais, les enfants aiment toujours leur maman et moi je t'aime beaucoup alors ça me fait de la peine d'entendre ça" Bon, ça semble évident que c'est le genre de chose qu'il ne faut pas dire. Mais là où je me suis reconnue, c'est quand elle a dit que souvent, au lieu de réagir au problème, à la situation qui a provoqué cette phrase de l'enfant, on en reste à LA phrase qui fait mal et on répond par exemple (sans tomber pour autant dans l'excès de la phrase ci-dessus) "Je ne suis pas là pour être gentille, etc."
Ce qu'il faudrait dire...
En fait, il faudrait simplement ne pas réagir à la provocation de l'enfant, mais revenir à la situation, à l'interdit en question et ne pas laisser l'enfant nous embarquer sur le terrain des sentiments.
Même chose, quand on gronde un enfant et qu'il répond "C'est toujours moi que tu grondes, tu ne grondes jamais ma sœur, t'es méchante"
On a tendance à dire "Ce n'est pas vrai, hier, j'ai disputé ta sœur parce qu'elle avait fait ça et ça, tu vois, je ne fais pas de traitement de faveur etc."
Ce qu'il faudrait dire...
"Je ne te parle ni de moi, ni de ta sœur. Là il est question de ton comportement présent."
Ou encore, quand votre fille a repéré chez une copine une superbe poupée et qu'elle vous tanne pour l'acheter
On est tenté de dire:
" Mais tu sais, ma chérie (important, le "ma chérie"), le magasin est fermé. On ne peut pas l'acheter."
Et puis on se lance dans des grands discours sur la valeur de l'argent, que ça coûte cher, que Papa et Maman n'ont pas tant d'argent que ça etc. (mode "violons" ON)
Bref, on préfère faire croire à son enfant que vraiment, on aimerait bien lui offrir cette magnifique poupée, mais que vraiment, là, on ne peut pas et que c'est bien dommage, parce qu'on serait prête à le fair s'il n'y avait pas tous ces obstacles que la vie dressait entre nous et le magasin Joué Club....
Tout ça pour ne pas dire "non". Et courir le risque de se faire détester, ne serait-ce qu'un temps, par son enfant.
Ce qu'il faudrait dire...
Tout simplement, faire comprendre à l'enfant qu'il ne peut pas tout avoir et ne pas avoir peur de sa réaction et de son chantage affectif. Selon la psychologue qui animait cette soirée, un bon parent, c'est aussi un parent qui accepte le fait de ne pas se faire aimer tout le temps.
Les sentiments: ils ne sont pas bons ou mauvais, ils sont, tout simplement
On accepte bien la joie, la gaîté, la satisfaction le bien-être, bref, tous les sentiments positifs que peuvent avoir nos enfants. En revanche, on a toujours un peu plus de mal à supporter de les voir en colère, de les savoir jaloux, de les savoir avoir peur.
Ce qu'on a tendance à dire
" C'est pas bien d'être jalouse de ton petit frère." ou "Non, on ne se met pas en colère quand on doit partir de chez Sarah, ça ne se fait pas".
Ce qu'il faudrait dire
" Je vois que tu es très en colère, parce que tu es frustrée de partir de chez Sarah. Je sais que tu as passé un bon moment chez elle et tu vas me raconter dans la voiture ce que vous avez fait cet après-midi" (et hop l'air de rien, pendant qu'on dit ça, on enfile le manteau, c'est toujours ça de fait...!)
Je ne sais pas si ça marche. Certainement pas à tous les coups. Ce serait trop simple ! Mais ça a le mérite d'aider l'enfant à mettre des noms sur ce qu'il ressent et lui fait comprendre que le message qu'il cherche à faire passer est bien arrivé à son destinataire et du coup, ça calme un peu le jeu.
Les sentiments, quels qu'ils soient, n'ont pas à être jugés bons ou mauvais, bien ou pas bien. Ils "sont", un point c'est tout et il faut les accepter.
Sauf quand les enfants se roulent par terre et nous foutent la honte en plein milieu du Leclerc.
Préciser ses attentes
(T'es encore là? Bon, ben je continue, tu vois, c'est long aujourd'hui, hein?)
Ce qu'on a tendance à dire:
"Tu seras polie quand on arrivera chez ma collègue Trucmuche." / "Range ta chambre"
et résultat: pas de bonjour ni de sourire arrivés chez Trucmuche et chambre à peu près dans le même état qu'avant que le message "Range ta chambre" (Pourtant on ne peut plus explicite) ait été formulé.
Ce qu'il faudrait dire:
Pour un enfant "être poli / sage" ou "ranger sa chambre" ne veut pas forcément dire la même chose que pour nous. Selon leur âge, ça peut même ne rien vouloir dire du tout.
Il faudrait donc pouvoir expliquer ce qu'on attend: "Chez Trucmuche, quand elle te dira bonjour, tu répondras aussi bonjour" ou "Dans ta chambre, tu mets la poupée dans le landau et les légos, dans la boîte", ça évite pas mal de conflits...(à ce qui parait! J'ai pas encore eu le temps de tester!)
Parler de la mort, de la maladie
Ce qu'on a tendance à dire:
"Il est parti" ou "Il est au Ciel"
Parce qu'on veut protéger l'enfant, lui éviter des peurs inutiles ou parce que la vérité est trop difficile à accepter, même pour soi-même et que c'est une façon de la dissimuler.
Ce qu'il faudrait dire:
Tout simplement "Il est mort" et préciser "Il s'est arrêté de vivre"
Quel que soit son âge, un enfant est capable de comprendre cette information. Ils ne comprennent le côté irréversible de la mort que vers 6 ans, mais avant cet âge, ils peuvent tout à fait s'y retrouver avec le mot "mort".
Si c'est la maladie qui a emporté la personne, on peut préciser qu'il était très malade et si l'enfant a peur - quand à son tour il est malade - de mourir, bien lui expliquer qu'il y a des maladies très graves et qu'en tous cas on ne meurt pas d'une angine ou d'une gastro.
Dans tous les cas de figure, la base de la communication c'est de se dire qu'on peut effectivement tout dire à des enfants, qu'il y a beaucoup de choses qu'ils sont en mesure d'entendre, mais qu'il ne faut pas leur mentir, même pour les préserver. Cependant, la vérité à laquelle ils ont droit doit être aménagée en fonction de leur âge. On peut, quand l'enfant est tout petit, n'en donner qu'une partie et, en fonction de sa demande et de sa maturité grandissante, on peut fournir des compléments d'information (par exemple sur le fait que certaines personnes croient que l'être aimé est au ciel et continue à les regarder, ou sur le souvenir de la personne qu'il convient d'entretenir afin que celle-ci continue à vivre dans les cœurs, ou sur la maladie qui a emporté la personne), qui viendront compléter mais en aucun cas corriger ce qui a été dit précédemment, puisqu'il faut donner la véritable information dès le début et s'y tenir. Si l’on n’a pas menti, l'enfant arrivera donc à faire son propre cheminement avec les réponses que l'on fournit à ses interrogations.
Voilà...ceci n'est en aucun cas le manuel du parfait parent qui sait communiquer. Je ne fais que retranscrire ce que j'ai entendu à cette conférence et je ne cherche pas édicter une règle de conduite, mais la plupart des situations évoquées m'ont amené à réfléchir sur ma façon de faire, et surtout de parler avec mes enfants...ou pas.
Et vous, avez-vous fait l'expérience de ces situations qui dérapent parfois, faute de savoir utiiser les bons mots?
(bon, ben si t'es arrivé jusque là, c'est que tu m'aimes vraiment...merci!)