Quand ils sont petits déjà, on hésite à les confier pendant longtemps aux grands-parents ou aux amis. Ils sont si petits, ils ont tellement besoin de nous, se dit-on… Alors on les garde un peu dans la chaleur du nid familial. Puis vient le temps des premières vacances chez Mamie… et ils reviennent grandis comme s’ils y avaient passé six mois.
Mais il faut croire que cette tendance à couver nos enfants comme des parents-poules peut continuer encore un bout de temps. C’était d’ailleurs l’objet d’un article du Monde daté du 14/15 août 2011 et intitulé « Viens chez moi, j’habite chez mes parents». La journaliste (Martine Laronche) y évoque cette génération « Tanguy », ces grands enfants indépendants financièrement qui continuent à vivre chez papa-maman.
Ce que j’ai trouvé intéressant, dans cet article, c’est l’interprétation qui est donnée de ce phénomène. Ce n’est pas seulement la précarité financière, les prix de l’immobilier, l’incertitude de l’avenir ou autres raisons d’ordre matériel et pécuniaire qui sont mises en avant, mais des arguments d’ordre psychologique…qui renvoient directement à la relation que ces enfants ont avec leurs parents.
« Cette difficulté des jeunes adultes à prendre leur autonomie affective est de plus en plus fréquente » analyse Philppe Hofman, psychologue-clinicien, auteur de L’impossible séparation : entre les jeunes adultes et leurs parents. Cherchant à rompre avec l’éducation autoritaire qu’ils ont reçue, les parents de la génération 1968, qui ont mal compris Françoise Dolto, ont sacralisé et surprotégé leur enfant, le mettant au centre de leurs préoccupations. Ajoutons à cela le fait que pour cette génération, bien des couples se sont déchirés, l’enfant apparaissant donc comme une valeur refuge. Selon Philippe Hofman, «Dans une société où le lien conjugal s’est délité et où les idéaux se sont écroulés, les parents se sont collés à ce qu’ils avaient de plus précieux : leurs enfants. Ils leur ont rêvé une vie idéale, épanouie. Ils ont vécu et pensé pour eux. » Ils sont ainsi pris en tenaille entre leur désir de voir leurs enfants gagner en autonomie, voler de leurs propres ailes et leur souhait de continuer à compter pour eux, leur satisfaction à se voir consulté au moindre souci, à se savoir « de bon conseil ». Ils les incitent alors à quitter le nid familial tout en les invitant à demander de l’aide en permanence sans leur laisser vraiment la possibilité de se débrouiller par eux mêmes. « Les parents vivent un peu par procuration. Ils veulent tout pur leurs enfants. Les jeunes s’appuient sur le désir de papa ou de maman et ont du mal à prendre leurs propres décisions », assure Philippe Hofman.
Du coup, cet article m’a renvoyé aux sentiments ambivalents qui nous animent, nous parents. On est heureux de les voir grandir, fiers de leurs progrès, on voudrait parfois griller les étapes, confiants en l’avenir, on les félicite (« oh, la graaaaande fiiiille » ou « mais t’es un grand garçon maintenaaaant… ! ») Et puis d’un autre côté, on trouve qu’ils grandissent trop vite, on a les yeux embués à chaque rentrée scolaire (je n’en n’ai qu’une à mon actif, mais pas des moins émouvantes !), on n’ose pas s’avouer que parfois, on voudrait les garder petits, tout petits, près de soi, dans notre nid, sous nos ailes. Enfin, je dis « nous, parents »…mais je ne sais pas si mon chéri ressent ça aussi. Ni vous d’ailleurs. Mais moi, en tous cas, c’est comme ça : je suis une mère tiraillée, que voulez-vous. Peut-être que je voudrai aussi les garder longtemps, longtemps à la maison…les materner, sentir qu’ils ont encore besoin de moi. Ou peut-être pas. Je ne suis pas à une contradiction près...!
Lien vers le livre de Phlippe Hofman, L’impossible séparation : entre les jeunes adultes et leurs parents. Cliquez ici
Contribution dans le cadre des « vendredis intellos » de Mme Déjantée.